Ce rapport est basé sur les données de réception, préparation, qualification, distribution, importation et exportation fournies dans le bilan d’activité annuel des banques de tissus. Les données d’activité des prélèvements sur donneurs décédés sont issues de la base de données CRISTAL et les données concernant les greffes de cornées proviennent du registre GLAC et de la liste d’attente en greffe de cornées, gérés par l’Agence de la biomédecine.
Le champ des tissus à usage thérapeutique est vaste : tissus oculaires, tissus cutanés, tissus vasculaires, tissus cardiaques, tissus osteoligamentaires, tissus placentaires. L’analyse est réalisée sur la base des chiffres de l’année et des tendances d’évolution sur les dernières années.
En 2024, les activités de prélèvement de tissus sur donneur décédé et sur donneur vivant ont progressé parallèlement de 3,2 % par rapport à l’an dernier.
L’année 2024 dépasse les chiffres records de 2023 pour toutes les catégories de donneurs confondues, et toutes les catégories de tissus à l’exception des prélèvements de tissus cutanés chez les donneurs décédés et les tissus veineux chez les donneurs vivants. La progression la plus remarquable est observée chez les donneurs de têtes fémorales (Tableaux T1, T2, T3 et T4).
L’activité tissus concerne 54 396 donneurs en 2024, soit une progression de 3,2% comparé à l’an dernier (n=+1698). 13% sont des donneurs décédés (n=7177) et 87% des personnes vivantes pour lesquelles la collecte de tissus a eu lieu au cours d’une intervention chirurgicale réalisée pour leur bénéfice, il s’agit des tissus résidus opératoires (n=47219).
Tissus provenant de donneurs décédés
L’activité de prélèvement de tissus sur donneurs décédés s’adosse à l’organisation mise en place pour les prélèvements d’organes. Elle se déroule dans des établissements de santé spécifiquement autorisés par les Agences régionales de santé et fait intervenir pour son organisation les unités hospitalières de coordination du don.
En 2024, 205 établissements de santé sont autorisés à mettre en œuvre des prélèvements de tissus sur donneurs décédés, 8 uniquement pour des activités de prélèvements de tissus réalisés à l’occasion d’un prélèvement multi-organes, 26 uniquement pour des activités de prélèvements de tissus sur donneur à cœur arrêté et 154 pour les deux types d’activités.
Parmi les donneurs décédés, 13 % (n=931) sont des sujets en état de mort encéphalique (SME) et 4 % (n=254) des donneurs décédés après arrêt circulatoire suite à la limitation ou l’arrêt des thérapeutiques (DDAC MIII), également donneurs d’organe. 83 % (n=5 988) sont des donneurs prélevés uniquement de tissus, on parle de donneurs décédés « cœur arrêté tissus » (CAT) ou donneurs de tissus seuls (DTS). Il s’agit de personnes dont le décès est survenu depuis moins de 24h et a eu lieu dans un établissement autorisé pour cette activité ou un établissement de son réseau.
Tissus provenant de donneurs vivants
On ne recense pas le nombre d’établissements réalisant le recueil de tissus en tant que résidus opératoires chez les donneurs vivants. Il s’agit de services de chirurgie orthopédique, cardiaque, vasculaire ou obstétrique. Aucune autorisation spécifique en dehors de celle délivrée pour l’intervention chirurgicale ou obstétricale n’est exigée.
A l’issue du prélèvement, tout tissu destiné à la greffe est placé sous la responsabilité d’une banque de tissus française, établissement ou organisme autorisé aux activités de préparation, conservation, cession ou distribution, d’import ou d’export de tissus humains par l’ANSM.
En 2024, 28 banques de tissus, déclarent une activité à l’Agence de la biomédecine. Elles relèvent de structures administratives variées : Etablissement français du sang, Etablissements de santé, établissement privé, structures associatives ou établissement relevant du ministère de la défense (Tableau T5). Elles couvrent le territoire national, une seule est présente en outre-mer à la Réunion. Elles sont mono ou multi-tissus et leurs volumes d’activité respectifs peuvent varier du simple au centuple. Afin de clarifier le panorama pour les partenaires préleveurs et greffeurs, les tableaux T6 et T6 bis ont pour objectif d’identifier quelles banques préparent, distribuent, importent ou exportent quels volumes de tissus entrants (E : activités de réception provenant d’une coordination à l’issue d’un prélèvement, ou provenant d’une autre banque) et greffons sortants (S : activités de délivrance de tissus distribués à une équipe de greffe, ou cédés à une autre banque française). Les banques s’assurent que les besoins nationaux sont satisfaits avant de faire sortir un tissu du territoire.
Le volume d’activité national de réception, distribution, import et export est repris tissu par tissu dans les chapitres correspondants à partir des tableaux T8, T9, T10, T11, T12, T13, T14, T15 et T16.
Le rôle des banques est d’assurer la qualité et la sécurité sanitaire des tissus et de les valider pour un usage thérapeutique. Elles doivent qualifier tous les tissus qui satisfont aux exigences de greffe et, a contrario, éliminer tout tissu qui ne satisfait pas aux exigences de qualité et de sécurité sanitaire.
En attente de leur qualification complète, les tissus restent en quarantaine. Lorsqu’ils ont répondu à tous les critères de qualification, ils sont validés, et conservés en stock, disponibles à la greffe. On recense comme suit les causes pour lesquelles un tissu n’est pas qualifié et doit être écarté de toute possibilité d’utilisation à des fins thérapeutiques. On ne comptabilise qu’une seule cause d’élimination par tissu :
- contre-indication médicale de sélection clinique ;
- marqueurs positifs d’infection virologique ou syphilitique du donneur ;
- contamination du tissu (bactériologie, mycologie) ;
- qualité du tissu insuffisante (erreur de dissection, présence d’anomalie, nombre de cellules endothéliales insuffisant, défaut de transparence, nombre de cellules mortes trop important, mauvaise découpe).
Les banques ont pour mission de tout mettre en œuvre pour délivrer les tissus à la greffe, selon leurs propres critères d’attribution et de répartition. Certains tissus répondant aux critères de qualification ne trouvent pas de receveurs localement dans la durée de conservation autorisée, les banques peuvent procéder alors à des échanges interbanques ou à des exports. Sinon, ces tissus sont périmés et doivent être écartés de toute possibilité d’utilisation à des fins thérapeutiques (Tableau T17).
En absence de liste nationale d’attente pour les candidats à la greffe de tissu (en dehors des cornées), on utilise l’évolution des distributions de tissus aux équipes de greffe (Tableau T18) pour traduire l’évolution de besoins sans que cela indique s’ils sont couverts ou non. Les besoins sont en très forte augmentation depuis 4 ans pour les tendons-ligaments (+259 %), les artères (163%) et les membranes amniotiques (+119 %). La demande progresse également de manière significative pour les têtes fémorales (+65 %), les cornées (+47 %), les os massifs (+45 %) et les valves cardiaques (+21 %). À l’inverse, une baisse marquée est observée pour les distributions de peau (-36 %) et, dans une moindre mesure, pour celles des veines (-21 %).
En 2024, tous les tissus sont désormais prélevables sur donneurs présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant. L’arrêté du 11 novembre 2024 proposant les nouvelles dénominations utilisées, ce rapport d’activité les adoptent à son tour.
Tissus cutanés
La surface de peau distribuée diminue pour la 3ème année consécutive, ainsi que les prélèvements en conséquence. L’évolution des pratiques de greffe à la baisse reste à confirmer, mais les besoins dans ce contexte sont couverts.
272 donneurs ont été à l’origine de 48,8 m² de fragments cutanés prélevés.
29,4 m² de greffons cutanés ont été distribués au bénéfice de 218 receveurs en France, auquel s’ajoutent les receveurs greffés hors de France à partir des 4,6 m² exportés.
Il a été greffé en 2024, 60 % de ce qui a été prélevé, sachant que 22 % de ce qui a été prélevé n’a pas pu être qualifié pour greffe et a été éliminé.
Il restait en stock en fin d’année une quantité de peau validée équivalent à 80% de la quantité utilisée/greffée dans l’année, cette activité de greffe 2024 équivaut à 60% de l’activité de greffe record observée en 2017 (49,1 m² de peau distribuée).
Tissus placentaires
La croissance de l’activité de greffe de 119 % sur 4 ans est remarquable. Elle est principalement due au développement du procédé de viro inactivation/lyophilisation qui a largement facilité leur mise à disposition. Grâce à 516 patientes ayant fait don d’un placenta, 10580 membranes amniotiques ont été distribuées au bénéfice de 9034 receveurs.
Les stocks de membranes amniotiques validés en fin d’année couvrent 87% de l’activité enregistrée en 2024.
Tissus veineux
L’activité veines repose sur deux sources d’approvisionnement différentes : celles des donneurs vivants de résidus opératoires représentant 81 % des veines réceptionnées vs. 19 % pour celle des donneurs décédés.
L‘activité veine issue de donneur vivant est en déclin avec 4 019 donneurs de veine : elle a chuté de 63% depuis l’évolution des pratiques chirurgicales par saphenectomie en 2018, année record où plus de 10732 greffons avaient été recueillis. Quant à elle, l’activité issue de donneur décédé est en progression avec 920 veines réceptionnées depuis son démarrage en 2015 sans pour autant pouvoir compenser l’activité donneur vivant.
Les distributions de 2 310 greffons veineux aux équipes de greffe ont été réalisées au bénéfice de 1 376 patients.
Ce tissu présente un taux d’élimination parmi les plus élevés à 57,2%.
Tissus artériels
Deux sources de tissus très différentes constituent en 2024 les données artères : celles prélevées sur donneurs décédés n= 583 (qui reflètent l’activité de 11 banques sur 12) destinées à être greffées en cas de sepsis de prothèses vasculaires ; et celles provenant de cordons ombilicaux recueillis en tant que résidus opératoires lors d’accouchement n=906 (qui reflètent l’activité d’une banque) destinées à être utilisées comme conduits dans des indications de réparation de section de nerfs.
L’activité artères a connu la progression la plus impressionnante cette année comparée à 2023, ainsi 1 461 tissus ont été préparés en banque (n=+540, soit +59%) et 1 736 greffons distribués (+1035, soit +148%). Un nouveau procédé de préparation conservation à 4°C mis en place en parallèle d’un accompagnement spécifique aux prélèvements en est à l’origine. Les banques ont déclaré 1 482 receveurs.
Tissus valvulaires
L’activité valves cardiaques repose sur deux sources d’approvisionnement différentes : celle minoritaire des donneurs vivants résidus opératoires recueillis lors d’une transplantation cardiaque représentant 19% des donneurs comparée à celle des donneurs décédés : 328 donneurs de tissus, et 79 donneurs d’organes qualifiés non greffables en tant qu’organe au cours de la procédure et réorientés tissus.
2 banques reçoivent les blocs cardiaques complets et assurent la dissection (n=79), les autres reçoivent les valves cardiaques directement préparées par les équipes de prélèvement (n=241)
Après une progression sur une période de 3 ans, le nombre de valves réceptionnées et préparées en banque (n=497) diminue en 2024 et retrouve le niveau de 2021 soit une diminution de 20% comparé à l’an dernier (n=-121). Les greffes, de leur côté, ont augmenté de 20% (n=277). La part des greffons préparés en Belgique et greffés en France dite activité d’importation est constante. Elle repose sur des prélèvements de cœurs exportés de France (54 provenant de donneurs décédés, 41 de donneurs vivants) ou de cœurs prélevés dans l’UE.
Le nombre des valves les plus recherchées, les valves pulmonaires, validées en stock en fin d’année est de 91. Les tensions sur les valves de diamètres extrêmes restent marquées.
Tissus osseux
113 donneurs décédés ont été à l’origine de 212 tissus os massifs prélevés (principalement tibia, humérus, fémur) et préparés en Banque en 283 greffons.
Les activités de réception et de distribution augmentent sur 4 ans respectivement de 54% et 45%. La part des tissus non qualifiés représente 15,8%. L’activité de greffe est en tension et repose pour près de 40% sur les importations qui ont quasi doublé en 5 ans. Le manque en os massif est structurel en France depuis de nombreuses années.
Tissus ligamentaires
Cent-vingt donneurs de tissus ligamentaires ont été prélevés au bénéfice de 1186 receveurs. Si le nombre de donneurs (n=120) est sensiblement le même que celui d’os massif, le nombre de tissus prélevés (n=416) est 2 fois supérieur et celui de tissus préparés en banque 4 fois supérieur (n=1122). L’activité de greffe diminue de 9% comparé à l’an dernier mais a augmenté de 259% sur une période globale de 4 ans. La progression des activités de prélèvement est remarquable comparé à l’an dernier avec +66% de tissus réceptionnés. Pour la deuxième année consécutive le nombre de tissus importés diminue, et la part des activités de greffe liées aux importations représente désormais en 2024 39% de l’activité.
Têtes fémorales
L’activité maintient sa progression constante depuis des années, + 5% en réception + 9% en distribution comparé à l’an dernier. Elle concerne 42 150 personnes ayant fait don de tête fémorale et 73 510 receveurs ayant bu bénéficier de ce type de greffe. Elle est de loin la plus importante des activités tissus, ce qui lui permet de réaliser une part non négligeable d’entrée et sortie du territoire avec 25346 greffons exportés et 6581 importés.
On distingue l’activité de greffe de têtes fémorales cryoconservées qui représente 1% des activités de greffe de ce tissu, de celles utilisant des greffons osseux viro-inactivés soit pour usage en orthopédie représentant 33% de l’activité, soit pour usage dentaire représentant 66% de l’activité.
Un rapport spécifique est dédié à la cornée.
Le rôle des banques de tissus est de répondre aux besoins identifiés par les chirurgiens greffeurs avec qui elles travaillent. Réglementairement, elles sont responsables de la définition des besoins et de l’attribution des tissus et de la traçabilité entre le donneur et le receveur.
L’enjeu pour l’activité de prélèvement et de greffe de tissus est de gagner en transparence et en équité en renforçant le réseau des banques.



